L’Observatoire des précarités a comme point de départ la pandémie de COVID-19, qui a mis en lumière des problèmes touchant la population, comme le manque de nourriture ou le chômage. Avec le recours aux RHT, un tiers de la population active s’est retrouvée bénéficiaire de l’aide sociale. La polarisation des inégalités questionne l’adéquation et l’accessibilité aux dispositifs existants. Le décloisonnement de l’aide sociale a permis de mieux coordonner l’offre, en travaillant de manière concertée entre l’état et les associations de terrain, qui ont grandement contribué à fournir l’aide alimentaire. Un des enjeux actuels est de maintenir les rencontres entre les différents acteurs pour coconstruire des outils adaptés. Dans ce cadre, l’expertise ne sert pas qu’à évaluer, mais à connaître et informer. Par exemple, une étude renseigne que 70% des personnes bénéficiaires d’aide alimentaire disaient n’avoir eu recours à aucune autre aide, ni associative ni communautaire. Finalement, la reconnaissance des difficultés et efforts joue un rôle important. La participation a été une réponse à la pandémie, mais après la crise, la question se pose sur la possibilité offerte à chaque individu d’être un citoyen reconnu. Sans reconnaissance, on observe un délitement et un sentiment de mépris, comme ont pu en témoigner des infirmier-ère-s et enseignant-e-s.

L’Observatoire des précarités a été élaboré dès le premier semestre de 2021 et a débuté son travail en 2023, accompagné d’un important réseau de partenaires. L’Observatoire a trois missions : (1) documenter les phénomènes de pauvreté et leurs dynamiques pour contribuer au pilotage de l’action sociale, (2) dialoguer et faire se rencontrer les acteurs des politiques sociales et leurs publics, (3) accompagner les partenaires de terrain en fournissant un appui scientifique et méthodologique.

Le thème du non-recours a été traité lors d’atelier en réseau, dans le but de rendre l’information sociale plus accessible et de réfléchir à la mesure du phénomène. En octobre, une réunion thématique sur le non-recours poursuivra les réflexions pour dégager les besoins du terrain et proposer des pistes d’actions en réunissant les différents partenaires.

Le non-recours est un phénomène commun aux différents systèmes d’aide dont l’ampleur est difficile à saisir. Il s’agit d’une situation dans laquelle une personne ne perçoit pas tout ou partie d’une prestation sociale à laquelle elle a droit, quelles qu’en soient les raisons. On différencie (1) la non-connaissance, quand le droit à l’aide n’est pas connu, (2) la non-réception, où l’offre n’est pas obtenue, (3) la non-demande, quand l’offre est connue mais non demandée, et (4) la non-proposition, dans les cas où l’offre n’est pas proposée, par méconnaissance ou manque de coordination.

Au Jura, le Rapport social 2021 montre que 14.8% de la population vit dans la pauvreté absolue. On peut imaginer qu’en 2023, la situation s’est encore détériorée, notamment à cause de l’augmentation du coût de la vie. Suite au rapport, peu de choses semblent avoir été entreprises. À Genève, Fribourg, Vaud et Neuchâtel, des guichets uniques décentraliser ont pour but de faciliter l’accès aux prestations. À Bâle, on trouve également des structures tenues par des bénéficiaires. Ces systèmes permettent un accès simplifié et un conseil à la fois généraliste et personnalisé. Cependant, il n’y a pas de garantie de continuité du suivi, langue ou fracture numérique peuvent être des obstacles et on continue d’agir dans une logique de « faire à la place de ». En Suisse, le non-recours apparaît comme un impensé, estimant qu’il suffit de demander pour recevoir de l’aide, oubliant certaines difficultés d’accès, les demandes nécessitant de nombreuses démarches. Les chiffres concernant le non-recours peuvent également effrayer les politiques, qui associent la lutte contre le non-recours a une explosion des coûts. Parmi les pistes à explorer, on peut citer le développement de l’action communautaire, l’automatisation d’accès aux prestations selon les relevés fiscaux, la mise en place de guichets uniques et un travail social de proximité.

Pour aller plus loin :

Le Rapport social jurassien 2021, disponible sur le site du Canton du Jura.

– COVID-19 : Les politiques sociale à l’épreuve de la pandémie, ouvrage en accès libre dirigé par É. Rosenstein et S. Mimouni.

– Le site de l’Observatoire des précarités de l’a HETS-L.

– Les présentations PDF de É. Rosenstein sur l’Observatoire des précarités et de P. Fedele sur le non-recours.